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Cannes 2022

Dossier industrie: L’Europe et le reste du monde

Le CNC et le KOFIC organisent une rencontre entre professionnels français et coréens

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CANNES 2022 : Le débat s’est centré sur des enjeux actuels, des défis communs et des opportunités de coopération entre les deux écosystèmes

Le CNC et le KOFIC organisent une rencontre entre professionnels français et coréens
Un moment du débat

En marge d'un 75e Festival de Cannes faisant notamment la part belle au cinéma coréen avec pas moins de 4 films en sélection officielle, dont 2 en compétition (Decision to Leave de Park Chan-wook et Broker du Japonais Hirokazu Kore-eda tourné en Corée du Sud), le président du CNC Dominique Boutonnat a ouvert, le jeudi 19 mai, une session de tables-rondes organisées conjointement avec le Korean Film Council (KOFIC), sur la Plage CNC , l'écrin du CNC situé sur la Croisette pour la durée du festival.

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En guise d'introduction aux deux tables-rondes prévues ce jour, autour d'acteurs des industries cinématographiques française et sud-coréenne, le président du CNC a souhaité, en présence de son homologue sud-coréen, Park Ki-yong, président du KOFIC, "célébrer l'amitié qui lie la France et la Corée dans le cinéma", mais aussi celle qui lie les deux institutions qu'ils président, œuvrant toutes deux à "la protection et au soutien de l'industrie dans leurs pays respectifs". Et d'ajouter : "La Corée est un grand pays de cinéma, duquel nous avons beaucoup à apprendre." Après avoir rappelé et consacré la vitalité, le rayonnement et la popularité par-delà ses frontières du cinéma coréen, dont une des plus récentes lueurs n'est autre que le triomphe de Parasite de Bong Joon-ho au palmarès Cannois en 2019, Dominique Boutonnat a souligné l'existence de nombreuses problématiques communes aux deux pays, autour notamment des enjeux suivants : comment renforcer la compétitivité économique et créative des écosystèmes français et coréen ? Comment garantir une production indépendante et pérenne dans un contexte de baisse de la fréquentation des salles et d'essor des plateformes de vidéo à la demande ? De son côté, Park Ki-yong, décrivant le KOFIC qu'il préside comme "l'équivalent du CNC en Corée", a insisté sur le besoin d'"élargir les échanges de films et de talents entre les deux pays". Un appel à une coopération accrue entre les deux pays sonnant comme une invitation à entamer les échanges, autour de la table animée par Patrick Frater, journaliste pour Variety.

C'est dès lors dans ce contexte que s'est ouvert le premier temps de discussion, consacré à la comparaison des écosystèmes de production et de diffusion des deux pays en présence. Aux fondements du processus créatif et de production, c'est le duo auteur/producteur qui initie et porte les projets d’œuvres dans les deux pays. Un premier point commun sur lequel s'accordent Charlotte Vincent, productrice et fondatrice de Aurora Films, qui rappelle que ce n'est autre que la rencontre entre un auteur et un producteur qui précède la recherche de financements adaptés et dimensionnés au projet dont il est question ; et Dong-ha Lee, producteur sud-coréen au sein de Redpeter Films, qui observe le même "travail d'équipe" entre auteurs et producteurs au cœur du processus de production en Corée.

Au rayon des différences entre les deux écosystèmes, une première divergence importante apparaît nettement. Côté tricolore, Ardavan Safaee, président directeur général de Pathé, après s'être dit impressionné par la capacité de la Corée "à produire des films et des séries qui non seulement cartonnent localement, s'exportent également énormément", rappelle que le système français repose essentiellement sur des aides et des encouragements à la production – ce qui permet l'émergence ainsi qu’"un renouvellement permanent des talents". Côté coréen, Dong-ha Lee, producteur au sein de Redpeter Films, note que la différence principale entre les deux modèles concerne la place de l'investissement privé dans la production, bien plus importante en Corée. Responsable de l'international chez CJ ENM, son compatriote Jerry Ko confirme le rôle majeur du secteur privé dans le financement du cinéma coréen, et celui moindre du KOFIC et des aides publiques. Alexis Dantec, directeur de la Sofica Cofinova, convoque une image parlante : "le système de financement du cinéma français s'apparente à une soupe vietnamienne : à chaque fois que l'on tire une nouille, une nouvelle apparaît", illustrant alors la quantité et diversité d'aides et de subventions pouvant être actionnées par les producteurs. A la différence d'un plan de financement classique en Corée du Sud, où ce sont généralement les investissements privés qui composent la grande majorité du budget des films, parfois bouclés par une subvention, d'importance mineure.

La mention de cette différence importante entre les deux systèmes est l'occasion pour les membres du panel d'observer une autre divergence entre les deux modèles. Charlotte Vincent, productrice de Retour à Séoul [+lire aussi :
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(de Davy Chou), présenté dans la sélection Un Certain Regard cette année, évoque notamment la spécificité de l'accord de co-production en Corée du Sud, qui s'avère bien souvent peu avantageux pour les producteurs français. Comme le précise Alexis Dantec de Cofinova, "pour un producteur français, il y a moins d'avantages à entrer dans l'accord de coproduction que d'en être extérieur en Corée". La raison ? Il est impossible d'accéder au crédit d'impôt international accordé par le KOFIC, au sein de l'accord de co-production avec une société coréenne.

Au jeu des différences entre les deux modèles, les membres du panel finissent, in fine, par reconnaître un important point commun entre les écosystèmes français et coréen : la concurrence imposée par l'essor des plateformes de vidéo à la demande. La menace des Netflix, Amazon, Disney + et autres services de streaming plane sur l'écosystème sud-coréen, comme le décrit Dong-ha Lee, producteur chez Redpeter Films, qui déplore "une cohabitation forcée" entre le monde de la salle de cinéma et les plateformes. Dans un contexte de baisse significative – de près de 70% - de la fréquentation des salles en Corée depuis le début de la pandémie, le modèle de financement essentiellement privé du cinéma coréen s'avère donc friable : face à une baisse importante de l'audience des salles de cinéma, les investisseurs privés deviennent sinon frileux, du moins soucieux de la rentabilité des films dans lesquels ils projettent d'investir. Au-delà d'un ralentissement de la production qui est à craindre, c'est également une fuite des investissements vers les œuvres destinées aux plateformes, dont l'évolution de l'audience connaît probablement une tendance opposée à celle des salles. Face à cette "tension importante", son compatriote Jerry Ko, de CJ ENM, reconnaît que la Corée du Sud ne prévoit pas pour l'heure d'intégrer les plateformes à l'écosystème de financement du cinéma, comme c'est désormais le cas en France, par application du décret SMAD.

C'est ensuite sur ce même sujet de la salle de cinéma et de son avenir que le modérateur Patrick Frater a enjoint les participants de la seconde table-ronde – intitulée Quelles salles de cinéma pour le public de demain ? – à échanger.

En premier lieu, les panélistes établissent le constat d'une chute de la fréquentation des salles de cinéma dans les deux pays depuis le début de la pandémie en 2020. Malgré quelques succès importants en trompe-l’œil, comme celui du film Tomboy [+lire aussi :
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(2011) de Céline Sciamma, sorti dans les salles coréennes en 2020, c'est bien un effondrement du box office que l'on se doit d'observer en Corée comme le rappelle Daniela Elstner, directrice générale d'Unifrance. La chute de la fréquentation de 70% n'est toujours pas à ce jour dépassée, comme le rappelle Hong Jeongin, patron de Megabox : "la situation commence tout juste à s'améliorer". De son côté, le directeur du Festival international du film de Busan, Moon-yung Huh se réjouit d'un retour à la normale des conditions d'organisation du festival en 2022 après deux années de baisse importante de la fréquentation également, tout en rappelant "l'influence positive des festivals sur la fréquentation des salles".

Les raisons de ce recul de la fréquentation dans les deux pays s'explique par différents facteurs rappelés par Philippe Borys-Combret, exploitant et président de la Compagnie Cinématographique de Cannes et Cineum : la fermeture des salles pendant la pandémie (ou les horaires d'ouverture fortement restreints en Corée), la crainte de l'épidémie de Covid-19 mais aussi le report de la sortie d’œuvres américaines au potentiel commercial important, parfois même redirigées vers les plateformes, au détriment des salles de cinéma.

En conséquence, Pierre Rasamoela, directeur général adjoint d'Orange Studio, observe des effets de substitution : aux yeux du public, la salle de cinéma est non seulement concurrencée par les plateformes de vidéo à la demande, mais également par le secteur des loisirs en général (restaurants, jeux vidéo, parcs d'attraction...). Cette sélectivité de la part du public se traduit dès lors par une volatilité de celui-ci et, in fine, d'un risque accru "pour notre métier de distributeur", comme l'indique Pierre Rasamoela. En Corée, Jaemin Kim, président de Contents Panda, observe de réelles différences de comportement de la part du public en fonction du type de film dont il est question : les films d'auteurs parviennent nettement moins à mobiliser un public qui, par ailleurs, se montre toujours attiré par les blockbusters.

Face à ces difficultés, quels remèdes ? Des solutions d'urgence d'abord. En France, Pierre Rasamoela rappelle que les exploitants ont bénéficié d'aides "massives" de la part de l'Etat au moment de leur fermeture. Un mécanisme en particulier s'est avéré décisif : le Fonds de soutien aux distributeurs, largement abondé en phase de reprise l'activité, destiné à encourager les distributeurs hésitants à proposer leurs films à un public incertain, dont on ne savait pas dans quelles propositions il retournerait en salles. En Corée, Hong Jeonjing, dirigeant de Megabox, salue l'aide apportée par le KOFIC. Bien que les salles coréennes n'aient jamais été complètement fermées pendant la pandémie, la réduction de leur temps d'ouverture a rendu la tâche difficile pour les exploitants : comment combler des coûts de fonctionnement importants en temps d'activité fortement réduite ? Les aides aux exploitants en Corée sont notamment passées par la distribution de bons de réduction directement pour les particuliers sur leurs séances de cinéma.

Pour finir, les participants de la seconde table-ronde de l'après-midi se sont aventurés à voir plus loin et envisager le futur de la salle de cinéma, avec toujours cette même quête : comment retrouver des niveaux de fréquentation importants, et comment ne pas sombrer face au délaissement de la salle par une partie du public au profit des plateformes ?

La solution est évidente pour l'exploitant Philippe Borys-Combret, qui plaide pour "des salles qualitatives premium, présentant un confort hors normes". Et d'insister : "la salle de cinéma  doit se moderniser et doit devenir plus technologique." En offrant toujours plus de confort et de service au public, c'est de cette façon qu'il entend reconquérir le public. Daniela Elstner, directrice générale d'Unifrance, tempère l'optimisme de son compatriote, en précisant que le confort et l'intégration d'innovations technologiques dans l'expérience de la salle, s'ils semblent appropriés à une catégorie de films à grand spectacle, ne sont probablement pas la clé universelle à un retour et une fidélisation du public en salles. Elle préfère alors reconnaître le succès des offres d'abonnement mensuel, permettant au public de découvrir des œuvres vers lesquelles ils ne se seraient initialement pas tournés, au-delà d'une fréquentation régulière des salles. Daniela Elstner se félicite également du rôle précurseur de la France dans la mise en place fructueuse de ce type d'offres, encore peu développées en dehors de l'hexagone.

Le mot de la fin a ensuite été confié à Park Ki-yong, président du KOFIC, qui a confirmé les efforts actuellement déployés par l'organisme qu'il préside pour trouver des solutions pérennes afin de "protéger et d'aider les salles de cinéma à remonter la pente et survivre".

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