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Stratégies et avenir des salles européennes (1ère Partie)

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- Cœur de l'exploitation des films, les salles représentent paradoxalement le secteur de l'industrie cinématographique le plus étanche en matière de circulation de l'information, chaque pays ayant tendance à méconnaître les pratiques des territoires voisins.

Cœur de l'exploitation des films, les salles représentent paradoxalement le secteur de l'industrie cinématographique le plus étanche en matière de circulation de l'information, chaque pays ayant tendance à méconnaître les pratiques des territoires voisins. Un paradoxe d'autant plus dommageable que les salles sont confrontées à plusieurs défis de taille: transition numérique, concurrence croissante de modes alternatifs d'exploitation des films, évolutions de la consommation des loisirs culturels, climat économique et financier tendu.

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Organisé à Paris les 6 et 7 décembre 2011 par l'Institut de recherche sur le cinéma et l'audiovisuel (IRCAV), la Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH), l'Université Paris 3, la CICAE (Confédération Internationale des Cinémas d'Art et d'Essai) et l'AFCAE (Association Française des Cinémas d'Art et Essai), le colloque international Les salles de cinéma en Europe a apporté un éclairage très précieux sur un secteur contrasté, mais irrigué par des problématiques communes. Zooms sur les stratégies marketing des salles européennes et sur la conjoncture et l'avenir des établissements d'art et essai du Vieux Continent.

L'art du marketing dans le monde numérisé

"Cela ne m'intéresse pas de savoir que le spectateur moyen est de tel sexe et de tel âge. Je veux qu'on me le décrive en détail. Qu'est-ce qu'il aime ? Quels sont ses hobbies ? Qu'est-ce qu'il regarde à la télévision ? Et sa famille ? Comment on l'atteint ? Que veut-on qu'il pense ?" Pour Mark de Quervain, directeur des ventes et du marketing du groupe britannique Vue Entertainment (69 salles pour 700 écrans, 38 millions d'entrées par an et 23 % de part de marché), comprendre parfaitement le client est l'ingrédient incontournable de la stratégie marketing des salles. Car il s'agit de bien réfléchir en amont sur la notion de choix ("il faut exploiter les films comme une télévision") et sur la valeur pour le spectateur de l'expérience d'une séance en salle relativisée par son coût (donc les possibilités du client) pour mieux définir des offres ciblées. Une approche partagée par Marlène Brunelle, directrice marketing France du circuit Kinopolis (23 multiplexes en France, Belgique et Espagne pour 21 millions d'entrées par an): "il faut avoir un contenu pour chacun des groupes cibles, donc construire une base de données la mieux renseignée possible, le but étant de pouvoir envoyer un mail à un spectateur en lui conseillant un film qui lui corresponde."

La phase suivante est la définition d'une large palette de tarifs et d'offres. Ainsi, Vue propose des séances Over 18 (qui ne sont pas liées au genre de film, mais au simple fait d'écarter du public les adolescents trop bruyants, un argument de vente performant selon Mark de Quervain), des Night Watch, des projections Mystères avec un film surprise (et 20 minutes pour se faire rembourser), etc… De la même manière, Kinopolis a des soirées Filles (le 1er mardi de chaque mois) ou encore un module "Gratuit pour les amis" (sur tirage au sort). Et cette multiplicité d'offres n'est pas seulement l'apanage des très grands circuits comme l'a confirmé Arnaud Auvêpre, directeur marketing du circuit Cineville (10 cinémas, du multiplexe à la mono-salle art & essai dans l'Ouest de la France), l'Anglaise Madeleine Probst (Watershed Media Centre de Bristol - trois écrans) et Grégory Sauerborn (les deux cinémas Le Chaplin à Paris). Tous les exploitants, du plus grand au plus petit, s'appuient sur les séances jeune public, mais aussi sur les avant-premières, les festivals, les cycles, les rencontres… Naturellement, chacun fait en fonction de ses moyens, de Vue avec son émission TV hebdomadaire à minuit sur Channel 4, à Kinopolis avec son opération "Revoir un film culte" (projeté à partir de 200 votes), en passant par le Watershed Media Centre qui invite le guitariste Adrian Utley du groupe Portishead pour parler de la musique de Taxi Driver, ou encore les soirées Connaissances du monde mises en place par Le Chaplin qui attirent un public nouveau dont un bon tiers revient ensuite voir des films.

Cette stratégie est souvent doublée d'une recherche de transversalité avec d'autres arts: théâtre au Chaplin, cross-over avec la musique à Bristol, expériences de séances jeu vidéo pour Kinopolis en Belgique… Le hors film projeté en direct ou en différé sur l'écran (opéra, concert, sport) est aussi de la partie, mais tous les participants au colloque se sont accordés sur le côté aléatoire du succès de ces programmations.

L'essor des technologies numériques et des réseaux sociaux est perçu comme une opportunité dont se sont emparées toutes les salles pour dialoguer avec leur public. Dans ce domaine, le Watershed Media Centre est particulièrement en pointe, créant des contenus originaux pour son site (interviews et autres), utilisant très activement Twitter et relayant les articles de ses spectateurs sur Youtube par exemple. Ce cinéma qui ne projette que des films invisibles ailleurs dans sa ville joue à fond et avec réussite la carte de la création d'une communauté. Un exemple que Cineville adapte à sa façon en misant sur les partenariats et la publicité locale ou en créant ses propres bandes annonces. En revanche, chez Vue qui totalise près de 5 millions d'utilisateurs mensuels sur son site web, les réseaux sociaux sont envisagés avec prudence. "Cela ne sert à rien si c'est juste pour faire de la relation client" estime Mark de Quervain. "Ils ne touchent qu'une faible proportion des 62 millions d'habitants du Royaume-Uni. Il faut des contenus très alléchants pour sensibiliser le public, être différent. Et il faudra être de plus en plus intelligent et attentif pour bien savoir à qui l'on parle". Une opinion qui fait écho à une autre de ses analyses selon laquelle le marketing cinéma devient de plus en plus sophistiqué, ce qui augmente le risque de confusion du spectateur par rapport aux offres. Aussi, les grands circuits, tout en menant leurs stratégies sur tous les fronts, misent essentiellement aujourd'hui sur le développement de leur marque à travers des slogans (qu'il faut bien sûr garantir dans la réalité) comme The Ultimate Cinema Experience chez Vue (un concept décliné par des trailers en salles et sur le site web avec plusieurs slogans choc sur la qualité de la projection, du son et des fauteuils). Car finalement, en matière de marketing, tout se résume toujours à une règle d'or adaptable à toutes les techniques: "le client aime la communication, simple et intéressante".

[cliquez ici pour lire la 2ème partie de cet article]

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