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“Je rêve d’un réseau de distribution européen intégré aux universités”

Dossier industrie: Documentaire

Victor Ede • Producteur, Cinéphage Production

par 

Le participant français à Emerging Producers 2022 nous dit comment il imagine le futur des films documentaires

Victor Ede  • Producteur, Cinéphage Production

Entretien avec Victor Ede, producteur au sein de la société française Cinéphage Production, sélectionné pour participer au programme Emerging Producers 2022. Son profil est disponible ici.

Pourquoi produisez-vous des documentaires ? Le film documentaire est-il pour vous un instrument au service du changement social et politique ?
Victor Ede : Comme pour beaucoup de choses dans ma vie, je suis devenu producteur par hasard… C’est en fait en produisant des films que j’ai compris ce que je voulais vraiment faire. J’ai précisément poursuivi dans cette voie, car je me suis rendu compte que la production est un moyen d’avoir une certaine influence au sein de la société. En développant des projets internationaux, la production m’est apparue comme un travail de transmission. En mettant les gens en relation et en faisant venir des projets de réalisateurs étrangers en France, je peux contribuer à dessiner de nouveaux horizons, et à construire des passerelles entre les cultures. J’ai également eu la chance d’observer l’impact concret d’un certain nombre de nos films, et même si je ne me considère pas comme un "impact producer", ces expériences m’ont permis de découvrir et de comprendre le pouvoir des films documentaires.

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La pandémie a touché l’ensemble du secteur. Comment a-t-elle affecté votre travail en tant que producteur ? Les projets sur lesquels vous travaillez ont-ils changé ?
La pandémie a stoppé la moitié de nos projets. En France, les sociétés de notre secteur d’activité ont reçu le soutien de l’État, de certaines régions et du CNC. L’aide publique m’a permis de disposer d’une certaine marge de manœuvre, de conserver mon équipe à Marseille et d’aider nos collaborateurs étrangers à traverser cette période très incertaine. Nous avons également répondu à la contrainte par la créativité. Marie Mandy, la réalisatrice du film Les Femmes préfèrent en rire, a décidé de transformer son documentaire "immersif" en un film tourné presque uniquement en studio. Rétrospectivement, je pense que ça a été une bonne chose pour le film dont le tournage, qui a eu lieu au cours de la première année de la pandémie, a été soumis à d’importantes restrictions. Nous avons également développé plusieurs nouveaux projets, en veillant à intégrer ces restrictions dans nos choix. Je dois pourtant admettre que je ne suis pas prêt à laisser ma ligne éditoriale se resserrer à cause du virus. Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les conséquences disproportionnées des décisions publiques. Les pays d’Europe occidentale imposent des règles sanitaires strictes qui compliquent les choses pour les collaborateurs dans d’autres régions du monde, sans parler de la cruauté et de l’absurdité de la compétition vaccinale qui a exclu tant de pays africains, tant de populations qui en auraient pourtant besoin.

Comment imaginez-vous l’avenir de la distribution des films documentaires ?
La France est un pays particulier : chaque année, une centaine de longs-métrages documentaires sortent en salle, mais le public est limité, il n’y a quasiment pas de jeunes. Les partenariats avec les ONGs ou les écoles permettent d’amener un nouveau public, mais essentiellement pour des films susceptibles de mobiliser les gens autour d’une cause spécifique. Je pense que le plus grand défi se situe au niveau européen. Par exemple, je rêve d’un réseau de distribution européen intégré aux universités. Grâce à mon expérience en France, je peux dire que les projections de films documentaires doivent s’accompagner de réunions et de discussions. C’est souvent compliqué pour les réalisateurs, cela leur demande beaucoup de temps et il est difficile de financer ce genre d’actions. J’aimerais aussi que la France abandonne la loi sur la "chronologie des médias" pour la sortie en salle des documentaires, car celle-ci empêche les diffuseurs de soutenir les films, dans la mesure où cela les oblige à attendre plus d’un an après la sortie des films en salle pour les diffuser. Je ne sais pas quel est l’avenir de la distribution à l’échelle mondiale, mais personnellement, j’aimerais que les films voyagent davantage, que se développe une véritable culture populaire, mais aussi que le public soit plus nombreux, et que l’Europe soutienne davantage les collaborations internationales. Je crois que l’avenir se trouve dans les coproductions internationales, cela facilite cette circulation. Même pour les films français, j’essaie presque toujours de trouver des partenaires étrangers.

Quels sont vos projets en cours ?
Neuf projets sont en cours de développement ou de production chez Cinéphage et je suis heureux de dire qu’ils reflètent la diversité éditoriale que nous revendiquons. Parmi ceux que nous avons lancés, se trouve notre premier court-métrage d’animation (A Lively Discussion With The Voice Hearers, de Tristan Thil), prochainement distribué par MIYU Distribution, Les Desobeissantes, de Marie Mandy, coproduit par ARTE et la RTBF dont le tournage devrait, je l’espère, reprendre très bientôt, ou encore le nouveau film de Jean-Robert Viallet en cours de développement avec le soutien d’ARTE. En matière de projets internationaux, nous coproduisons deux films de Petra Seliskar en Slovénie et en Macédoine du Nord, Body et Land Of Sär, avec une sortie en salle prévue l’année prochaine. Tout comme Kix, un projet hongrois de Dávid Mikulán et Bálint Révész coproduit avec Elf Pictures, Bulb Cinema et ARTE. Le projet a reçu le Docu Talent Award à Sarajevo et je travaille dessus avec les anciennes participantes du programme Emerging Producers, à savoir Ágnes Horváth-Szabó (en savoir plus) et Viki Réka Kiss (en savoir plus).

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EMERGING PRODUCERS est un éminent projet promotionnel et éducatif qui rassemble des producteurs de films documentaires européens de talent. Le programme est organisé et coordonné par le Festival du film documentaire de Jihlava.

La date limite de dépôt des candidatures pour l’édition 2023 des EMERGING PRODUCERS est fixée au 31 mars 2022.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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