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Hollywood: research about an industry in crisis

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- It's a titans' fight like Hollywood loves to stage for a century : The Dark Knight Rises versus The Amazing Spider-Man. An ordinary war of summer blockbusters ? That's what we would have said few years ago. The rentals DVD company which has the same name, Blockbuster, was thriving then. Nowadays it is at the edge of bankruptcy. The crumbling video market and the entire industry are uncertain.

This article is available in French.

C’est un combat de titans tel qu’Hollywood aime les mettre en scène depuis un siècle : The Dark Knight Rises versus The Amazing Spider-Man. Une banale guerre de blockbusters estivaux ? C’est ce qu’on aurait dit il y a quelques années, à l’époque où la compagnie de location de DVD du même nom, Blockbuster, était florissante. Celle-ci est aujourd’hui au bord de la faillite, le marché vidéo en pleine déconfiture et l’industrie tout entière en proie au doute.

Dépassé, le blockbuster : on parle désormais de tentpoles : soit des films colossaux en termes de budget, de dépenses marketing et d’attentes, qui sortent habituellement l’été et sur lesquels un studio peut jouer toute son année. Quelles différences ? Très peu, en réalité. C’est seulement plus gros, plus cher, plus démesuré. Un succès et c’est l’assurance pour le haut management de se voir reconduire l’année suivante avec de jolis bonus à la clé ; un échec et l’on verra les parachutes dorés se déployer dès l’automne. Chaque été, donc, les six majors fourbissent leurs armes pour tenter de gagner la bataille.

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Cette année, Disney-Marvel a dégainé en avance avec Avengers, sorti en mai. Son milliard et demi de recettes déjà engrangé risque de mettre tout le monde d’accord à l’heure des comptes (les 2 milliards pourraient être envisagés et Titanic et Avatar, le double record de James Cameron, chatouillés). Aux Etats-Unis, le film de Joss Whedon a déjà rapporté plus d’argent que toute la production 2012 de la Warner, de la Fox ou de la Paramount… Heureusement, le chapiteau va bientôt se replier et le deuxième round débuter dans quelques semaines, avec en haut de l’affiche une araignée et une chauve-souris – oubliez les autres, ils ne font pas le poids.

Attendant impatiemment dans leur coin du ring que le gong retentisse (respectivement le 4 et le 25 juillet), Spider-Man et Batman incarnent deux visions antagonistes du système : le tout nouvel Hollywood d’un côté, le un-tout-petit-peu-moins nouvel Hollywood de l’autre. Commençons par le premier.

Une araignée et une chauve-souris

Il était une fois une trilogie réalisée par un auteur respecté des fans de comics, des cinéphiles et du grand public : Sam Raimi. De 2002 à 2007, il s’échina à ressusciter un vieux superhéros, Spider-Man, au costume flétri à force de kitsch apparitions TV. Outre un beau succès critique, les trois films rapportèrent deux milliards et demi de dollars à Sony Pictures, qui proposa naturellement à son auteur chéri, circa 2009, de faire un nouveau volet. Enthousiaste, celui-ci accepta mais face aux “désaccords créatifs” – euphémisme pour désigner la mauvaise volonté et la pingrerie du studio – il dût jeter l’éponge l’année suivante. L’histoire aurait pu s’arrêter là mais Sony s’était engagé par contrat auprès de Marvel, l’ayant droit, à produire un quatrième opus de la franchise avant 2013 sous peine d’en perdre les droits d’adaptation…

Que faire ? C’est alors que le système, au sommet de son “génie” vanté naguère par le critique André Bazin, produisit cette décision magnifique : plutôt qu’une suite, pourquoi ne pas faire un reboot comme ce fut déjà le cas pour Hulk, Batman ou Superman ? Et plutôt que de s’embêter avec un vrai cinéaste (Sam Raimi) et une star hors de prix (Tobey Maguire), pourquoi ne pas prendre un débutant (Marc Webb, auteur d’une seule comédie romantique insignifiante, 500 jours ensemble) et un inconnu (Andrew Garfield, certes très doué) ?

On imagine aisément ce qui fut répondu au pauvre type qui osa demander à la production si dix ans n’était pas un délai un peu court pour refaire quasiment le même film : “T’inquiète, on le mettra en 3D et les gens n’y verront que du feu ; et puis les jeunes n’ont aucune mémoire, tu sais.” Dont acte. The Amazing Spider-Man serait sur tous les étals à l’été 2012.

Il en va autrement pour The Dark Knight Rises, dont on peut, même sans l’avoir vu, dégager quelques traits saillants qui en font une exception dans l’écosystème actuel. Lui aussi issu d’un reboot – plus qu’utile en l’occurrence après le saccage de l’héritage burtonien par Joel Schumacher dans les années 90 –, le film de Christopher Nolan fait figure de dernier des Mohicans. Première raison : il est tourné en 35 et 70 mm. Et ce sera probablement l’un des derniers, à ce niveau de l’industrie en tout cas, puisque la disparition de la pellicule à Hollywood est annoncée pour 2013. En toute logique, le film sort donc en 2D, avec un minimum d’effets spéciaux numériques, refusant sur ce point également le diktat de l’industrie – auquel même le puissant Michael Bay avait dû se soumettre pour Transformers 3.

Des créatifs et des hommes d’affaires

Quoi qu’on pense des films, qu’un auteur aussi singulier que Christopher Nolan parvienne aujourd’hui à manier de tels budgets au service de récits complexes et de visions si viscéralement dark est en soi un petit miracle. Dans la mesure où sa radicalité n’a pas empêché son succès commercial – au contraire –, pourquoi Nolan est-il l’exception et non la règle ? Pourquoi, puisque la formule marche, n’est-elle pas davantage appliquée ? La réponse tient en trois mots : peur du risque.

“Les studios ont toujours cherché le profit, quelle que soit l’époque, c’est inscrit dans leurs gènes. Longtemps, la meilleure façon de gagner de l’argent a consisté à faire des films, aussi bons que possible. Il arrivait que le cynisme et le mercantilisme l’emportent, il arrivait que de bons films échouent au box-office mais, globalement, les studios étaient dirigés par des producteurs qui aimaient vraiment le cinéma. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : la ligne entre créatifs et hommes d’affaires a disparu, seul compte le business. Peu importe le film, du moment que vous arrivez à le vendre”, analyse James L. Brooks, réalisateur de comédies dramatiques délicieusement old school (Comment savoir en 2010) et producteur notamment des Simpson.

Pessimiste mais pas amer (“il restera toujours des gens capables de faire du bon cinéma”), il vient de perdre le production deal qui le liait à Sony Pictures depuis presque trente ans à la suite de l’échec de ses deux derniers films. Il se consacre désormais à la production des Simpson depuis son petit bungalow planté au milieu des studios Fox où vous accueillent un donut géant tenu par une main jaune à quatre doigts et quelques photos d’anciens locataires du lieu (Marilyn Monroe, Frank Sinatra), souvenir d’un temps bel et bien révolu. A 72 ans, il écrit aussi un nouveau scénario mais ignore, pour la première fois de sa carrière, s’il parviendra à le produire. Les temps sont durs.

Les inquiétudes de Brooks sont aujourd’hui largement partagées par la profession qui a de plus en plus de mal à supporter la pression imposée par les studio heads, eux-mêmes sous pression des actionnaires. “Tous les studios ont réduit la voilure, certains drastiquement. Tout s’articule désormais autour de deux ou trois tentpoles, avec des budgets monstrueux et une prise de risque minimale, qu’accompagne une poignée de petits films de niche (comédies, films de genre, prestige movie). Si votre film se rattache à une marque déjà existante (comic book, roman best-seller, jouet, série TV, vieux succès), il a dix fois plus de chances d’exister que s’il sort de votre seul cerveau, aussi brillant soit-il, explique Patricia Saperstein, journaliste à Variety, le plus important des journaux corporatistes hollywoodiens. Même les stars ne parviennent plus à monter un gros film sur leur nom à part Will Smith, Johnny Depp, Angelina Jolie, Tom Cruise parfois… Ça changera peut-être avec l’arrivée d’une nouvelle génération mais il n’est pas certain qu’elle atteigne les salaires déments (jusqu’à 25 millions de dollars par film) de ses aînés.”

La bulle des salaires, et donc des coûts, se dégonflerait-elle ? Pas nécessairement. Voyez Battleship et John Carter, les deux flops de l’année : sans grosse star au générique, ils ont pourtant coûté plus de 200 millions de dollars chacun à cause des effets spéciaux. Aussi, face à cette inflation incontrôlable des coûts, les studios ne veulent plus prendre le moindre risque et s’en remettent aux formules éculées.

Des pleureuses et des affamés

Parmi eux, Disney apparaît comme le plus emblématique de cette nouvelle tendance. Sous la houlette de Bob Iger, le studio s’est recentré après les errements de son prédécesseur, Michael Eisner. Vu comme un sauveur dans les années 80-90, celui-ci semblait avoir perdu son mojo à l’orée du nouveau millénaire : relation houleuse avec la filiale Miramax des frères Weinstein, brouille avec John Lasseter des studios Pixar, fronde du neveu de Walt Disney, Roy, plus quelques autres faux-pas lui valurent d’être remercié par le conseil d’administration en 2004. Plus discret, moins tranchant, Iger a ramené le lucratif Pixar dans le giron ; surtout, en rachetant en 2009 les studios Marvel et leur manne infinie de superhéros, il s’est offert une vache à lait dont on commence tout juste à mesurer la folle rentabilité.

Aujourd’hui, presque toute l’activité de Disney tourne autour de ces deux filiales, véritables Etats dans l’Etat, et tant pis pour les autres. Même Jerry Bruckheimer, pilier du studio depuis vingt ans via sa société JB Films (qui a produit les premiers Michael Bay ou les trois Pirates des Caraïbes), s’est vu retoquer récemment plusieurs projets après quelques résultats décevants. Son western Lone Ranger (avec Johnny Depp, sortie prévue été 2013) n’a obtenu le greenlight que de justesse. On murmure qu’un nouvel échec pourrait provoquer sa chute, sans états d’âme. Bang, bang!

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